
L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive à son procès à la cour d'assises du Doubs, le 8 septembre 2025 à Besançon ( AFP / SEBASTIEN BOZON )
"Un nom apparaît, le docteur Péchier": un enquêteur a décrit mardi devant la cour d'assises comment le nom de l'ancien anesthésiste de Besançon s'est révélé être la pièce manquante d'un "puzzle" permettant de comprendre trois empoisonnements présumés en 2009 à la Polyclinique de Franche-Comté.
Frédéric Péchier, 53 ans, est jugé depuis près de quatre semaines à Besançon pour l'empoisonnement de 30 patients âgés de 4 à 89 ans, dont 12 sont morts, dans deux cliniques privées de Besançon entre 2008 et 2017. Il clame son innocence.
La cour d'assises du Doubs a commencé mardi l'examen des trois cas survenus à la Polyclinique de Franche-Comté (PFC), les seuls sur les 30 imputés au docteur Péchier survenus hors de la clinique Saint-Vincent.
Les 7 avril, 27 avril et 22 juin 2009, Bénédicte Boussard, 41 ans, Michel Voniez, 47 ans, et Nicole Deblock, 65 ans, font un arrêt cardiaque médicalement inexpliqué à la PFC, lors de leur anesthésie. Ils ont survécu tous les trois - le deuxième est décédé en 2023.
Le docteur Jacques Pignard, qui était l'anesthésiste de Mme Boussard et M. Voniez, a vite des doutes sur les circonstances de ces trois évènements indésirables graves (EIG), très rapprochés.
Ce seront d'ailleurs les seuls arrêts cardiaques en cours d'anesthésie relevés dans l'établissement entre 2008 et 2016.
- "Des hypothèses" -
Il fait analyser une poche de perfusion utilisée lors de l'anesthésie de Mme Deblock. Une dose de potassium 10 fois supérieure à la normale et de l'adrénaline en quantité importante sont découvertes, laissant soupçonner une malveillance.
La police judiciaire (PJ) est saisie de ces cas suspects par le parquet, qui demande également de faire un rapprochement avec un cas similaire survenu à la clinique Saint-Vincent en 2008, qui avait entraîné le décès de Damien Iehlen.
Les enquêteurs recoupent les noms de 50 personnels de la Polyclinique et de 82 personnels de la clinique Saint-Vincent : "un nom apparaît à l’époque, le docteur Péchier", a indiqué l'ancien responsable de la PJ, Bénilde Moreau.
L'anesthésiste réputé avait quitté la clinique Saint-Vincent pour rejoindre la Polyclinique, où il travaillera du 1er janvier au 22 juin 2009.
En 2009, les enquêteurs pensent qu'une poche de perfusion ne peut être polluée avec du potassium qu'en cours d'intervention. Le docteur Péchier n'étant pas présent au moment de deux des trois arrêts cardiaques, ils n'établissent pas de lien.
Son avocat, Randall Schwerdorffer, souligne que dans les deux premiers cas, ceux de Mme Boussard et de M. Voniez, aucune poche polluée n'a été saisie. L'accusation doit passer "du stade des hypothèses au stade des preuves", dit-il.
- "Meilleur alibi du monde" -
Le parquet classe l'enquête de la Polyclinique en 2012, pour "auteur inconnu". Mais en janvier 2017, la PJ est saisie d'une autre affaire d'arrêt cardiaque suspect, cette fois-ci à la clinique Saint-Vincent.
Une dose de potassium anormalement élevée est là aussi retrouvée dans une poche de perfusion utilisée lors de l'anesthésie d'une patiente de 36 ans, Sandra Simard, qui survivra.
Frédéric Péchier, alors de retour à la clinique Saint-Vincent, interviendra lors de sa réanimation.
Les investigations de 2017 révèlent qu'une poche de perfusion peut être polluée avant leur utilisation. "Comme dans un puzzle", elles "montrent des éléments permettant de mettre en cause le docteur Péchier" dans les trois cas suspects de la PFC, raconte Benilde Moreau.
Pour un autre policier, Patrick Le Barre, l'anesthésiste a pu introduire du potassium dans les poches en amont des anesthésies, pour qu'elles soient utilisées en son absence et ainsi se forger "le meilleur alibi du monde".
A la Polyclinique de Franche-Comté, en 2009, "l'ambiance est tendue" entre le docteur Péchier et les autres anesthésistes pour des "problèmes d'ego et d'argent", souligne-t-il.
"Le mode opératoire est clair", selon l'enquêteur qui soupçonne le praticien d'avoir déposé des poches préalablement polluées avec du potassium dans les blocs opératoires des collègues avec qui il était en conflit, pour qu'ils perfusent leurs patients avec.
Jugé depuis le 8 septembre, Frédéric Péchier comparait libre, mais il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le verdict est attendu le 19 décembre.
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